Revue jurisprudentielle de Clyde & Cie: la Cour supérieure rejette une action intentée contre EDC et IQ par la caution d'une entreprise en faillite
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Étude de marché 2 février 2024 2 février 2024
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Amérique du Nord
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Litiges commerciaux
La Cour Supérieure du Québec donne raison à Export et Développement Canada et applique une renonciation (« Waiver ») « sans équivoque » contre une caution l’ayant signée dans le cadre d’une garantie de prêt consentie à la RBC.
Faits pertinents
Dans sa récente décision Banque Royale du Canada c. D'Orsa, 2024 QCCS 1011, la Cour Supérieure du Québec a accueilli les demandes en rejet présentées respectivement par Export et Développement Canada (« EDC ») et Investissement Québec (« IQ ») à l’encontre de la demande en intervention forcée pour appel en garantie du défendeur/demandeur en garantie M. Francesco D’Orsa (« D’Orsa »).
Dans cette affaire, à la suite de la faillite de Techno-Tec inc. (« Techno ») et en vertu du contrat de prêt la liant avec la Banque Royale du Canada (« RBC »), RBC a poursuivi D’Orsa en tant que caution des dettes de Techno jusqu’à concurrence d’une somme de 1 000 000,00 $. De plus, une garantie octroyée par IQ et acceptée par Techno qui couvrait RBC jusqu’à 50% contre une perte nette éventuelle (c.-à-d. le montant résiduel une fois les autres garanties détenues par RBC réalisées, dont le contrat de cautionnement de D’Orsa) était subordonnée à ce contrat de prêt.
Pour sa part, EDC a également consenti une garantie à la RBC, mais à condition que D’Orsa signe personnellement un document intitulé « Waiver » qui énonce que le soussigné « [renonce expressément au bénéfice de tous les privilèges et droits qu'il pourrait avoir contre EDC à titre de co-garant ou de caution solidaire ou conjointe, y compris, sans s'y limiter, tout recours en subrogation ou le droit d'action personnel que le soussigné pourrait avoir contre EDC en vertu des articles 1651, 1656, 1659 et 2380 du Code civil du Québec2]3. »
Allégations de D’Orsa
D’Orsa alléguait que certaines des représentations faites par l’un des représentants de RBC quant à l’étendue de sa responsabilité personnelle de rembourser les dettes de Techno étaient confuses. En effet, D’Orsa prétendait qu’il ne se serait jamais engagé seul pour cautionner un prêt d’un montant aussi élevé en l’absence des autres garanties et cautions. Il affirmait ensuite que le niveau d’endettement élevé de Techno relevait de la responsabilité de RBC, IQ et EDC. Il prétendait également que EDC et IQ devaient assumer leur juste part du remboursement à la RBC; plaidant même que IQ avait en réalité fourni un cautionnement qui a créé une solidarité entre lui et elle4.
Qualification des contrats dans le cadre d’une demande de rejet au sens de l’article 168 Code de procédure civile5
Sous la plume de l’Honorable Martin Castonguay, la Cour supérieure a estimé que, bien qu’il faille tenir pour avérés les faits tel que relatés par D’Orsa dans sa demande, la qualification des faits que D’Orsa tentait d’établir ne pouvait être retenue par la Cour en l’espèce6. En effet, le tribunal a rappelé premièrement que l’objectif à la base des garanties de IQ est de faciliter le financement des petites et moyennes entreprises du Québec7. Ensuite, invoquant la règle de droit à l’effet que le cautionnement ne se présume pas8 et précisant que Techno paie des « honoraires de garantie » pour la garantie que IQ concède à la RBC9, la Cour a reproché à D’Orsa sa témérité et a conclu que les contrats en l’espèce, autant celui de IQ que celui de EDC, étaient bien des garanties de prêt, et non des cautionnements.
La nature « sans équivoque » du « Waiver » de EDC
De surcroît, la Cour a conclu en « une absence totale de droit à l’encontre de EDC »10 découlant du texte sans équivoque du « Waiver » signé personnellement par D’Orsa. Le juge Castonguay a d’ailleurs sévèrement reproché le recours entrepris par D’Orsa (n’hésitant pas à souligner qu’il aurait déclaré l’action comme abusive si on lui en avait fait la demande) puisque ce dernier tentait de plaider le contrait de ce à quoi il avait consenti11.
Conclusions
À la lumière de cette décision, il faut retenir qu’un tribunal n’hésitera pas à refouler toute tentative non fondée de détourner la nature réelle des garanties offertes par IQ et EDC. En reconnaissant la réalité commerciale dans laquelle ces institutions financières opèrent et soulignant l’absence d’ambigüité dans le texte des contrats en jeu, notamment le « Waiver » de EDC, le tribunal offre des éclaircissements fort utiles sur la manière dont ce type de contrats doivent être qualifiés et exécutés.
1 Ci-après [Banque Royale du Canada].
2 CQLR c CCQ-1991, ci-après [C.c.Q.].
3 La version anglaise du paragraphe pertinent du « Waiver » reproduit par le tribunal se lisant:
«a) Contribution- (i) expressly waives the benefit of all privileges and rights based on law, equity, statute or contract, which now or may hereafter be available to it against EDC as co-guarantor or co-surety including, without limitation, any right it may have as surety to obtain contribution from EDC as a co-guarantor or a co-surety, or (ii) if located in Québec, expressly waives the benefit of all privileges and rights it may have against EDC as co-guarantor or as solidary or joint surety, including, without limitation, any action in subrogation or the personal right of action that the undersigned may have against EDC under articles 1651, 1656, 1659 and 2380 of the Civil Code of Québec.»
4 Banque Royale du Canada, par. 14.
5 RLRQ c C-25.01.
6 Banque Royale du Canada, par.17.
7 Id., par.18.
8 Art. 2335 C.C.Q.
9 Banque Royale du Canada, par.19.
10 Id., par. 28.
11 Id., par. 27 and 29.
Fin