Revue jurisprudentielle de Clyde & Cie : Analyse de l’existence d’un mandat et d’un aveu extrajudiciaire
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Étude de marché 26 février 2024 26 février 2024
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Amérique du Nord
La Cour d’appel du Québec a confirmé un jugement dans lequel la juge Marie-Hélène Montminy, j.c.s. fait une analyse étoffée de l’existence d’un mandat ainsi que de la valeur probante d’un aveu extrajudiciaire.
Les faits pertinents
Le litige dans Gravel c. Urbam Conseil inc. concerne la vente non-concrétisée d’un immeuble appartenant à la Société des missionnaires d’Afrique du Canada (les « Pères Blancs »). Les demanderesses Alain Gravel et 9365-9787 Québec Inc. (« demanderesses ») poursuivaient Urbam Conseil Inc (« Urbam »), une entreprise de service-conseil en urbanisme, ainsi que sa directrice Mélanie Tremblay (« Tremblay ») alléguant qu’un conseil erroné quant à l’application d’un règlement leur aurait fait perdre l’opportunité d’acheter l’immeuble des Pères Blancs à des fins commerciales.
Les demanderesses prétendaient avoir consulté Mme Tremblay d’Urbam afin d’obtenir une analyse d’un règlement d’urbanisme de la Ville de Québec. Elles souhaitaient alors acheter l’immeuble pour y faire la location à court terme de type « Airbnb ». Selon elles, Tremblay aurait donné une opinion erronée quant à l’interprétation du règlement, ce qui a fait en sorte que leur prêteur privé aurait retiré son support financier, leur faisant ainsi perdre l’opportunité d’acheter l’immeuble des Pères Blancs. La réclamation pour perte de revenus et de plus-value de l’immeuble s’élevait à plus de 3 millions dollars.
Le contrat de service
Les demanderesses alléguaient qu’un contrat de service existait entre elles et Urbam. Toutefois, il n’y avait jamais eu d’offre de service de la part d’Urbam ou Tremblay et les prétendus « services » auraient été rendus lors de deux courts appels téléphoniques avec un collaborateur de Gravel, tierce partie au litige. De plus, les informations concernant le projet de développement des demanderesses n’avaient jamais été communiquées à Urbam ou Tremblay.
Le Tribunal rappelle qu’un contrat de service crée des obligations réciproques pour les parties et l’article 2098 C.c.Q se lit comme suit :
Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.
Dans ce litige, la Cour a conclu que les conditions essentielles, soit fournir un service en échange d’un prix, ne sont pas rencontrées. Les témoignages démontrent qu’aucun mandat n’avait été confié pendant les deux appels téléphoniques et qu’il n’y avait pas eu de discussions quant aux honoraires professionnels ou au prix1. Le Tribunal conclut alors qu’aucun contrat de service au sens de l’article 2098 C.c.Q. n’est intervenu entre les parties.
L’aveu extrajudiciaire
Dans cette affaire, la preuve des demanderesses au niveau de la faute était basée uniquement sur une lettre écrite par Tremblay dans laquelle elle admettait son erreur d’interprétation du règlement et mentionnait en assumer la pleine responsabilité2. Les demanderesses plaidaient que cette lettre constituait un aveu engageant la responsabilité de Tremblay.
Premièrement, la Cour confirme que Tremblay n’est pas assujettie au Code de déontologie des urbanistes, ne portant pas le titre d’urbaniste.
Dans le cadre de son analyse, la juge Montminy cite les passages de sa collègue Piché dans son ouvrage au sujet de la preuve civile et indique au sujet de l’aveu que « la validité requiert certaines conditions de fond. Il doit être clair, sans ambiguïté et non équivoque3.»
En l’espèce, la preuve démontrait selon la Cour que la lettre avait été rédigée dans le but d’acheter la paix. Selon les témoignages, M. Gravel avait fait preuve d’un comportement intimidant, forçant Tremblay à écrire cette lettre le soir même de leur première rencontre, ce qu’elle avait fait dans le but de ne plus avoir de contact avec lui dans le futur. La juge indique que « l’aveu doit représenter une « authentique reconnaissance d’un fait » et non simplement un moyen d’acheter la paix ou d’éviter d’autres inconvénients4.»
Considérant le témoignage crédible de Tremblay à l’audience, confirmé par d’autres témoignages concernant les circonstances menant à la rédaction de la lettre, le Tribunal n’a accordé aucune valeur probante à l’aveu.
La demande de rejet d’appel
Le jugement a été porté en appel. Le 9 février dernier, la Cour d’appel du Québec a accueilli la demande en rejet d’appel d’Urbam et Tremblay. Selon les juges, « les moyens d’appel ne laissent pas entrevoir en quoi la juge aurait commis une erreur révisable relativement au cadre juridique applicable à l’analyse d’un aveu extrajudiciaire5.»
1 Gravel c. Urbam Conseil inc., 2023 QCCS 3994, paras. 113-114.
2 Gravel c. Urbam Conseil inc., 2023 QCCS 3994, para. 171.
3 Catherine PICHÉ, La preuve civile, 6e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2020, no 1022 et 1029, p. 821, 822, 826 et 827.
4 Gravel c. Urbam Conseil inc., 2023 QCCS 3994, para. 176.
5 Gravel c. Urbam Conseil inc., 2024 QCCA 173, para. 9.
Fin