L’interrupteur SWIFT
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Développement en droit 28 février 2022 28 février 2022
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Les É.-U. et l’UE, ainsi que d’autres, ont indiqué qu’ils avaient l’intention de « retirer certaines banques russes du système de messagerie de SWIFT ». Mais qu’est-ce que SWIFT et comment les É.-U. et l’UE cherchent son interrupteur pour bloquer l’accès russe à celle-ci?
Qu’est-ce que SWIFT?
SWIFT (anciennement la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) n’est pas un organisme de compensation; elle ne détient ni ne transfère elle-même de fonds. Il s’agit plutôt du fournisseur des principaux systèmes de messagerie utilisés par les institutions financières du monde entier pour communiquer entre elles en toute sécurité. Les entreprises du monde entier connaissent le concept de « swift »; le message d’une banque qui confirme qu’un paiement a été envoyé et reçu. Les services de SWIFT sont donc essentiels au fonctionnement du système financier international et facilitent chaque jour des millions de transactions financières sécurisées qui sous-tendent le commerce international moderne. SWIFT affirme que jusqu’à présent en 2022, elle est responsable de 1 261 millions de messages sécurisés entre institutions financières.
SWIFT est une coopérative détenue par ses institutions financières membres, y compris des institutions financières américaines. Elle est basée en Belgique.
Comment les sanctions pourraient-elles être appliquées?
La réponse courte dépend de la législation spécifique qui sera adoptée. Cependant, il existe un précédent historique de sanctions visant à empêcher certaines institutions financières d’utiliser SWIFT, précédent qui remonte à 2012 lorsque l’UE et les É.-U. ont agi de concert pour retirer les banques iraniennes de SWIFT.
En tant qu’entité domiciliée dans l’UE, SWIFT était soumise aux réglementations de l’UE en matière de sanctions contre l’Iran. Les sanctions que l’UE a introduites pour retirer l’Iran de SWIFT étaient d’interdire la prestation de services : le règlement 267/2012 ne faisait pas spécifiquement référence à SWIFT mais interdisait le prestation de « services de messagerie financière spécialisée, qui sont utilisés pour échanger des données financières » aux institutions financières iraniennes identifiées spécifiquement dans le règlement, c’est-à-dire la plupart des grandes banques iraniennes. L’incapacité de ces banques d’Iran d’accéder au système de communication essentiel utilisé par le reste des institutions financières du monde les a finalement empêchées d’effectuer tout commerce international. Cela a eu une application extraterritoriale de grande envergure car en ciblant les services fournis par SWIFT à ses utilisateurs du monde entier, les banques d’Iran ne pouvaient alors en théorie plus utiliser les services bancaires traditionnels partout dans le monde.
Bien que SWIFT soit domiciliée en Belgique, les É.-U. avaient leurs propres sanctions à longue portée qui, en théorie, auraient pu affecter les opérations de SWIFT si l’UE n’avait pas légiféré comme elle l’a fait. Les États-Unis ont adopté une législation qui ciblait la prestation de services de messagerie financière spécialisée à certaines instructions financières iraniennes, que le fournisseur de services de messagerie soit ou non une personne américaine. Bien que ces soi-disant « sanctions secondaires » n’auraient pas techniquement exposé des personnes non américaines à des amendes ou à des sanctions pénales, elles les auraient tout de même exposées au risque de sanctions de type « déni d’accès », ce qui signifie in extremis le risque de se voir refuser l’accès au système financier américain et à l’économie en dollars.
Cibler SWIFT était-il essentiel aux sanctions contre l’Iran?
Les restrictions de l’UE et des É.-U. sur la prestation de services de messagerie financière n’étaient qu’une partie d’un éventail plus grand de sanctions contre le système financier iranien. Celles-ci comprenaient les sanctions de l’UE empêchant le transfert de fonds à toute personne iranienne sans autorisation préalable, et la désignation d’institutions financières iraniennes clés pour des gels des avoirs. Ces seules obligations de gels des avoirs de l’UE auraient limité la prestation de services de manière générale (y compris les services de messagerie financière) aux banques iraniennes ciblées sans autre législation. Elles auraient également empêché les banques de l’UE de traiter avec les banques iraniennes ciblées, même si elles avaient pu communiquer entre elles par SWIFT.
Pour leur part, les États-Unis ont aussi ciblé les principales institutions financières iraniennes comme faisant partie de la liste SDN, ce qui a entraîné des sanctions secondaires pour les personnes non américaines traitant avec les banques iraniennes. Également et probablement les conséquences les plus lourdes de ces sanctions ont été l’exercice de réduction des risques mené par de nombreuses institutions financières de partout dans le monde qui ont cherché à limiter leur exposition aux affaires iraniennes en imposant des restrictions onéreuses sur les comptes des clients ou carrément en ne travaillant plus du tout avec des clients exposés aux affaires iraniennes. Tout ceci a été motivé par un mélange de préoccupations concernant le coût et la difficulté de la conformité continue ainsi que la pression des banques correspondantes américaines qui menaçaient de retirer les services de compensation en dollar aux banques étrangères ayant des clients à haut risque. Il est à noter que même pendant le bref interrègne du Plan d’action global commun (PAGC)/Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) (avant le retrait par Trump), lorsque les sanctions de l’UE et des É.‑U. offraient simultanément un soulagement aux banques iraniennes et l’accès à SWIFT, peu de banques européennes appuyaient réellement les transferts de fonds vers et depuis l’Iran.
Pour le moment, il faudra voir comment la législation dont menacent l’UE, le RU et d’autres, fonctionnera dans la pratique. Il y a des spéculations selon lesquelles il pourrait y avoir des exclusions pour permettre à SWIFT d’être utilisée pour certains échanges ou certaines transactions (peut-être en lien avec l’énergie). Il est aussi important de se rappeler que les sanctions qui restreignent l’accès de certaines banques russes à SWIFT n’empêcheront pas les banques de l’UE ou d’ailleurs de servir les entreprises russes non sanctionnées en général. En l’absence de toute autre restriction pertinente, de tels transferts de fonds seraient licites. Cependant, l’expérience iranienne suggère qu’en fin de compte, l’appétit pour le risque des institutions financières peut avoir autant d'importance que toute sanction spécifique ciblant SWIFT.
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