Affaire de la pyrrhotite: Soulevez les questions de couverture à la première occasion

  • Développement en droit 20 juillet 2021 20 juillet 2021
  • Amérique du Nord

  • Assurance et réassurance

Il s’agit ici de mettre en lumière les récentes décisions de la Cour supérieure et de la Cour d’appel dans SNC-Lavalin inc. c. Souscripteurs du Lloyds

L’affaire de la pyrrhotite continue de faire couler beaucoup d’encre au Québec. Les lecteurs se souviendront que la Cour d’appel dans l’« arrêt phare » a confirmé en majeure partie le « jugement phare » et retenu la responsabilité de SNC-Lavalin Inc. et Alain Blanchette dans une proportion de 70% à l’égard de dommages causés par la pyrrhotite, ce sulfure de fer susceptible de causer des réactions chimiques indésirables, dans plusieurs centaines de bâtiments. Précisons que la Cour d’appel dans « l’arrêt phare » a infirmé le jugement de première instance sur la question de l’érosion des limites d’assurance par des frais de défense encourus dans une juridiction où cela est permis. Cela a été discuté dans les articles précédents de notre série.

Il s’agit ici de mettre en lumière les récentes décisions de la Cour supérieure et de la Cour d’appel dans SNC-Lavalin inc. c. Souscripteurs du Lloyds portant sur une demande présentée au tribunal par SNC pour faciliter l’exécution d’une ordonnance prononcée dans le jugement phare. L’Ordonnance [2295] enjoignait aux assureurs en responsabilité professionnelle de se répartir les dommages en lien avec la responsabilité de SNC. Les assureurs ont contesté cette demande de SNC visant à se faire rembourser une somme d’environ 140 millions $CAN.

En mai 2021, la Cour d’appel confirme le raisonnement appliqué par la Cour supérieure dans sa décision rendue le 16 octobre 2020 par le juge Éric Hardy en faveur de SNC.

La chose jugée

Les assureurs avancent en appel qu’en concluant qu’il y avait chose jugée sur les questions d’assurances, le juge de première instance commettait une erreur. La Cour d’appel rappelle aux assureurs, comme le juge de première instance, qu’il fallait soulever les moyens à l’appui d’un déni de couverture pour certaines réclamations lors du procès sur le fond en 2012-2013. On est donc en présence d’un argument qui aurait dû être avancé antérieurement et là se trouve l’effet de la présomption de la chose jugée. La Cour note que l’interprétation de la police d’assurance avancée par les assureurs est incompatible avec l’interprétation faite de la police dans le jugement et l’arrêt phares.

La Cour d’appel conclut que le principe de la chose jugée est bel et bien applicable. Par contre, pour les mêmes raisons que le juge de première instance, elle choisit de se pencher sur la deuxième question également, le moyen subsidiaire avancé par les assureurs.

Police de type « réclamation présentée et déclarée » (« claims made and reported »)

Les assureurs n’ont pas réussi à faire valoir devant la Cour d’appel que le juge de première instance a interprété erronément la police de référence en ne faisant pas les distinctions requises entre les concepts de présentation et de déclaration des réclamations.

En première instance, le tribunal s’était livré à un exercice d’interprétation de la police d’assurance. En s’appuyant sur les principes jurisprudentiels reconnus d’interprétation des polices, le juge Hardy en vient à la conclusion que les parties ont convenu dans leur contrat d’assurance que la réclamation du tiers lésé, pour être couverte, doit être présentée à SNC et déclarée aux assureurs dans une même période d’assurance. Les dispositions de la police en question stipulent que c’est au Claim Officer, un employé de SNC et le mandataire des deux parties, que les réclamations doivent être déclarées; la déclaration au Claim Officer constitue la déclaration aux assureurs, celui-ci ayant par la suite l’obligation de faire rapport aux assureurs dans le délai requis. Le tribunal rejette l’argument avancé par les assureurs selon lequel les réclamations devaient être présentées à SNC et déclarées directement aux assureurs dans une même période d’assurance. La Cour refuse la proposition voulant que le chevauchement de la présentation d’une réclamation et de la déclaration entre deux termes successifs de polices d’assurance suffise, à lui seul, à priver l’assuré de son droit à être indemnisé.  Cependant, il est important de retenir que le libellé de la police en question était « manuscrit » et contenait des termes particuliers concernant le traitement des réclamations par l’assuré. Par conséquent, l’interprétation du tribunal ne peut être appliquée de manière générale à toutes polices de type « réclamations présentées et déclarées ».

La Cour d’appel explique que le juge de première instance a relevé une ambiguïté dans la police de référence, vu une discordance entre les termes utilisés à la clause 1.1 et aux clauses 7 et 8. Elle note que certains termes sont utilisés de façon interchangeable dans la police, ce qui ajoute à la discordance. La Cour d’appel considère que l’interprétation de la police par le juge de première instance est à la fois rationnelle et compatible avec ses termes.

Modalités de l’exécution de l’ordonnance

Certaines questions dont la Cour supérieure a traité dans son jugement de première instance n’ont pas été portées en appel. Rappelons que le tribunal de première instance a refusé d’assujettir à des conditions le paiement des assureurs malgré les demandes d’autorisation de pourvoi pendantes en Cour suprême. Le juge Hardy souligne également que la Cour supérieure n’a pas la compétence requise pour accorder un sursis d’exécution d’un arrêt de la Cour d’appel, et que comme son jugement constitue l’accessoire du jugement phare, il doit être également exécutoire nonobstant appel.

À retenir

On retient de ce jugement l’importance pour les assureurs de soulever les questions de couverture, même de façon subsidiaire, à la première occasion. En effet, autant la Cour d’appel que la Cour supérieure a considéré qu’il y avait chose jugée, l’arrêt phare ayant réglé les enjeux de couverture d’assurance dans l’affaire de la pyrrhotite. Les assureurs étaient donc forclos de soulever des questions de couverture à l’étape d’un débat sur l’exécution.

 

Fin

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